
Auditorium virtuel Claude Ballif
Artiste dada, surréaliste ou...avant-gardiste inclassable





Jumelé avec le cabaret du Ciel, également ouvert par Antonin Alexander et surnommé le cabaret du Paradis, le cabaret de l’Enfer ne laissait personne indifférent. Il faut dire que l’adresse savait comment attirer tous les regards. Il y avait tout d’abord cette impressionnante porte en forme de gueule ouverte d'un démon. Une fois à l’intérieur, les clients étaient alors plongés dans une espèce de grotte avec sculptures de damnés suspendues sur les parois et la voûte et marmite géante. Pour que l’illusion soit parfaite, le maître des lieux prenait les commandes déguisé en petit diable. Les spectacles étaient aussi au menu, avec notamment des "attractions diaboliques" et le "supplice des damnés". Le café-cabaret de l’Enfer, qui n’existe plus de nos jours, était implanté au 53 Boulevard de Clichy à Paris, il était considéré comme le pionnier des cafés-cabarets à thème.
La "Porte de l’Enfer", reconstituée pour les besoins de l'exposition "Surréalisme" au Centre Pompidou de Beaubourg. C'était la porte du cabaret de l’Enfer, haut lieu de la vie nocturne de la Belle Époque à Paris. Le cabaret accueillait des artistes du surréalisme parmi lesquels André Breton, dont l'atelier se situait au quatrième étage du bâtiment, juste au-dessus du cabaret.





Man Ray
​
Ready-made surréaliste de 1923. Ready-made, parce qu'il utilise un objet manufacturé – le métronome- que l'on peut trouver dans le commerce, et qu'il l'élève au statut d'œuvre d'art en y apposant sa marque. Surréaliste, parce qu'il juxtapose deux éléments apparemment sans lien l'un avec l'autre – un métronome et la photo d'un œil - Il appelle cette oeuvre "Objet indestructible"

Salvator Dali
(Taula davant el mar) Hommage à Eric Satie
Salvator Dali a voulu être le premier à rendre hommage à Erik Satie, le surdoué n'avait pourtant que 20 ans à la mort du compositeur. Dalí adorait la musique populaire espagnole, et le jazz. Ses affinités esthétiques le plongeaient elles quotidiennement dans l’univers d’Erik Satie. L'œuvre intitulée "Hommage à Erik Satie" est une huile sur toile réalisée vers 1926 (soit 1 an après le décès du Maître d'Arcueil). Cette œuvre est associée au mouvement cubiste, un style qui a révolutionné la peinture et la sculpture européennes au début du XXe siècle, et qui se caractérise par son abstraction et son utilisation de formes géométriques. Le genre de l'œuvre est un portrait, ce qui peut refléter l'influence ou les caractéristiques du compositeur français Erik Satie, connu pour ses contributions avant-gardistes.
Avant le Surréalisme, il y a eu le Dadaïsme
Après la guerre, l’émergence du mouvement Dada met une fois de plus en lumière les oeuvres de Satie, perçues comme de l’anti-musique, de l’anticonformisme. Tout ce qu’il faut pour alimenter les envies de ces jeunes artistes comme Picabia, Aragon, Tzara, Breton… Et placer Satie de nouveau comme un mentor, malgré lui.
Il se retrouve à présider des soirées organisées pour apaiser les tensions entre artistes du mouvement Dada. Des soirées qui finissent généralement en bagarre générale, et qu’il préférerait éviter. Si le compositeur participe à sa manière au mouvement, c’est en écrivant pour les revues et en se rapprochant de certains artistes, notamment ceux qui appartiennent au groupe mené par Tristan Tzara. Un choix qui lui vaudra les critiques de Breton et de ses camarades jusqu’à la fin de sa vie.
Le biographe Romaric Gergorin avance dans son livre Erik Satie une hypothèse qui expliquerait en partie le désintéressement du compositeur à ce courant artistique : "Dada était l’élément dans lequel Satie aurait pu s’épanouir, mais il venait trop tard. Il avait déjà suffisamment donné dans l’avant-garde outrancière dans sa jeunesse."
Loin des préoccupations dadaïstes, Erik Satie continue de fréquenter les artistes et de s’inspirer des mouvements artistiques comme pour son œuvre Socrate, pensée à partir d’oeuvres cubiques. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien qu’il s’entoure de Picabia, Picasso, Braque, Brancusi, Derain, Léger, Duchamp… Tant de génies avec lesquels il tisse des liens plus ou moins étroits.
​Il continue de créer des œuvres collaboratives comme La statue retrouvée, en 1923, mis en scène par Cocteau avec les costumes de Picasso. L’une de ses dernières collaborations avec le poète avant leur brouille définitive.
Satie trouve alors en Picabia un nouvel ami. "Une rencontre et non un coup de foudre", précise le pianiste Jean-Pierre Armengaud dans son livre Erik Satie. Les deux artistes créent un ballet, Relâche, et l’unique chef d’oeuvre cinématographique du mouvement Dada : Entr’acte de René Clair, sur un scénario de Picabia et une musique de Satie.
Les dernières relations que Satie entretient avec les artistes seront les plus fortes.
Car à la fin de sa vie, le compositeur essuie les critiques et se retrouve très seul, et très pauvre. Braque, Derain, Léger, Brancusi et avant tout Picasso restent des soutiens précieux qui veilleront sur lui jusqu’à son dernier souffle, le 1er juillet 1925.
Il y a 100 ans naissait donc le Mouvement Surréalisme
et ils étaient quelques-uns à vouloir régler
leurs comptes avec Erik Satie
La première du ballet Mercure eut lieu le 15 juin 1924, dans une atmosphère hostile en raison des luttes culturelles parisiennes de l'époque. Le public était parsemé de clans pour et contre Picasso, Satie et Beaumont, ainsi que de partisans de Diaghilev, dont les Ballets russes se produisaient de l'autre côté de la ville au Théâtre des Champs-Élysées .
Le groupe surréaliste naissant dirigé par André Breton et Louis Aragon était le plus problématique. Breton était impatient de gagner Picasso à sa cause et prêt à utiliser la violence pour défendre son honneur. Lors d'un événement Dada l'année précédente (auquel Satie était présent), il avait répondu à l'attaque verbale du poète Pierre de Massot contre Picasso en brisant le bras de Massot avec sa canne. Il avait également un compte personnel à régler avec Satie, qui avait présidé le procès simulé de Breton en 1922 au restaurant de la Closerie des Lilas pour avoir tenté de renverser Tzara en tant que chef des dadaïstes. Georges Auric s'était lié d'amitié avec les surréalistes et avait exploité l'inimitié de Breton pour les pousser à perturber la représentation de Mercure.
Le ballet avait à peine commencé que les surréalistes se mirent à scander "Bravo Picasso ! À bas Satie !" depuis le fond de la salle. Darius Milhaud se disputa avec le groupe de Breton, les fans de Satie exprimèrent leur soutien et une poignée de personnes s'approchèrent de la loge de Picasso et lui lancèrent des insultes. Au Tableau II, le chaos régnait dans la salle et le rideau dut être baissé. Lorsque la police arriva pour expulser les manifestants, le surréaliste Francis Gérard reprocha à Picasso : "Vous voyez, Beaumont nous fait expulser par la police parce que nous vous applaudissions !" Louis Aragon, toujours en colère contre Satie, réussit à sauter sur la scène et à crier "Au nom de Dieu, à bas les flics !" avant d'être traîné hors de la salle. L’ordre fut finalement rétabli et le ballet fut autorisé à continuer.
Les surréalistes qui n'ont pas été arrêtés ont attendu à l'extérieur de la salle, espérant visiblement voir Picasso après la représentation. Au lieu de cela, ils ont rencontré Satie à sa sortie. Le compositeur a rassuré Milhaud : "Ils ne m'ont pas adressé la parole."
Dans sa tentative d'éloigner Picasso de ses collaborateurs, "l'Hommage" surréaliste a suscité de fausses rumeurs selon lesquelles Satie se serait brouillé avec lui comme avec tant d'autres amis, en raison de sa personnalité hypersensible. Satie a abordé ce sujet dans une lettre du 21 juin à Wieland Mayr, rédacteur en chef de la revue littéraire les feuilles libres :
"Croyez-moi, il n'y a aucune divergence de vues entre Picasso et moi. Tout cela est un "gadget" de mon vieil ami, le célèbre écrivain Bretuchon [Breton] ( qui est venu créer du trouble et attirer l'attention par son apparence minable et sa grossièreté déplorable ). Oui."
Il faudra attendre 1955, pour que Breton reconnaisse en l'incomparable
"précurseur", l'être de haute exception que fut Erik Satie.
"Satie a bien voulu dire que le piano comme l'argent, n'est agréable qu'a celui qui en touche" : voilà qui me met à l’aise, moi brouillé de naissance avec la musique instrumentale. Je regrette d’autant plus d’avoir compris trop tard, après sa mort, l’être de haute exception qu’il fut et qu’un rideau d’épines – sa malice, ses tics étudiés – me voilait.
Tout ce que rapportent de lui Robert Caby et Pierre-Daniel Templier est pour me le faire aimer sans mesure.
Le passage du XIXe au XXe siècle n’a déterminé aucune évolution d’esprit aussi captivante que celle de Satie. Tendue entre ces deux points extrêmes, les mystiques et Platon, durant trente ans la fatalité de l’esprit moderne a été de faire vibrer cette corde à l’unisson de celles de son compatriote Alphonse Allais et, plus encore, d’Alfred Jarry.
Nulle plus haute école de liberté à l’égard de toutes les conventions, nul sourire plus espiègle et, en fin de compte, si poignant par dessus le gouffre intérieur, de l’espèce le plus noir, duquel s’échappe la nuée de ces dessins et inscriptions calligraphiées en pleine solitude –
"Tout en fonte", à la fois si drôles et si inquiétants – qui attendent depuis longtemps un inventaire complet et une analyse rigoureuse".
​ Paris, le 16 juin 1955 André Breton
On comprend qu'André Breton n'aimait pas la musique et encore moins les musiciens. Difficile alors pour le commissaire de l'exposition "Surréalisme" du Centre Pompidou de faire référence à Erik Satie, surtout si l'on considère que le seul document validant le statut d'artiste surréaliste est le Manifeste rédigé par Breton en 1924. En le relisant d'ailleurs, vous y découvrirez pourquoi Victor Hugo, mort en 1885, a lui droit de citer dans l'exposition.
Pour autant, France Musique & eriksatie.fr considérons le génial compositeur comme incontournable lorsqu'il s'agit de surréalisme !
Surréalistes musiques surréalistes ! De Satie à Boulez
En cette année centenaire de la création officielle du mouvement surréaliste
et à l’occasion de la grande exposition qui se tient jusqu’au 13 janvier au centre Pompidou à Paris,
Max Dozolme de France Musique nous fait écouter quelques œuvres surréalistes.
"Comme les surréalistes, entrez dans le labyrinthe de la pensée… Comme Alice au Pays des Merveilles, suivez le lapin blanc qui s’y engouffre ! Ce Lapin agile qui donne son nom au cabaret parisien préféré d’Erik Satie, la figure musicale à laquelle on pense certainement en premier quand il est question de surréalistes et du mouvement dada dont il découle. Satie, un insolent rêveur, qui avec son panache de mélodies tortueuses, ses titres loufoques et ses indications musicales des plus étranges ainsi que son refus de se plier aux formes classiques peut être considéré comme étant le véritable précurseur du surréalisme, cet « automatisme psychique pur par lequel on se propose d’exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée."
Alors qu’il devait initialement servir de préface à Poisson soluble, un recueil de poèmes créé avec la technique de l’écriture automatique, André Breton décide finalement de mettre en avant ce texte théorique, lors de sa publication le 15 octobre 1924, au nom d’un groupe d’artistes - Louis Aragon, Philippe Soupault, Paul Éluard et lui-même notamment, en tête - rêvant d’une révolution poétique et politique.

"Automatisme psychique pur par lequel on se propose d’exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée, en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale."
Surréalisme définition :
