
Auditorium virtuel Claude Ballif



Le groupe des six & l'école d'Arcueil
Inscription Avers
Erik SATIE - 1866-1925 : "Je suis venu au monde très jeune dans un temps très vieux" , signature du sculpteur-graveur (BELO).
Inscriptions Revers
Le Groupe des Six en 1920 (Auric, Milhaud, Honegger, Germaine Tailleferre, Poulenc, L. Durey et l'écrivain Jean Cocteau.) ainsi que les titres de ses trois œuvres : Relâche, Parade et Socrate
( " Groupe des Six " et " École d'Arcueil " ).
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« Le satisme n’existe pas, disait Satie. S’il devait être créé, je lui serais hostile moi-même. »
En 1916 alors qu'à Verdun les hommes s'entretuent comme jamais, Cocteau et Satie font la connaissance d’un tout jeune prodige, venu de Montpellier, Georges Auric. En mai 1917, Cocteau et Satie présentent au Châtelet avec Picasso leur ballet "Parade", qui fait scandale. Un bidasse de 18 ans, enfant d’une riche famille d’industriels, applaudit à tout rompre, c’est Francis Poulenc.
Le surdoué Auric a deux camarades de conservatoire, le Franco-Suisse Arthur Honegger et Louis Durey qui le suivent partout dans les soirées parisiennes. Très vite ils vont convaincre d'en faire partie, celle qui les impressionne au Conservatoire, Germaine Tailleferre.
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Il ne manque plus que le sixième, Darius Milhaud, devenu secrétaire de l’ambassadeur de France au Brésil, Paul Claudel. Milhaud est de retour à Paris en 1919 et on se rassemble dans son appartement chaque samedi soir pour faire de la musique, réciter des vers, papoter, faire la fête. Les "samedistes" comme on les appelle sont avant tout une bande d’amis.
Avec cette petite bande, le quinquagénaire Erik Satie forme alors un groupe appelé "Les Nouveaux jeunes". On donne des concerts au Vieux Colombier de Jacques Copeau et Cocteau relate ses échanges avec les Nouveaux Jeunes dans un pamphlet intitulé « Le Coq et l’Arlequin ». Proust l’applaudit, Gide le critique. Très vite Satie boude parce que Durey invite Ravel dans la troupe, alors Cocteau va se présenter comme LE chef d’orchestre de cette jeunesse musicale moderne.
Le groupe des six
Les mots d’ordre sont simples : à bas Wagner, à bas les brouillards debussystes, vive la simplicité, la concision, vive le jazz, le music-hall, le cirque, la gaieté loufoque, l’esprit potache, et Cocteau promet le renouveau de la musique française. C’est alors que Henri Collet écrit deux articles dans Comœdia en inventant l’expression « groupe des Six », allusion à un précédent « groupe des Cinq » russe, et Germaine Tailleferre apprécie qu’il insiste sur l’amitié qui les relie tous. Leur première œuvre collective s’intitule L’album des six pour piano.
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Milhaud rapporte alors du carnaval brésilien des rythmes qu’il va intégrer dans le Bœuf sur le toit, une partition qui donnera son nom à un établissement couru par le Tout-Paris entre Concorde et la Madeleine. On croise les pianistes Jean Wiéner, Marcelle Meyer.
Mais des fissures commencent à apparaître, Durey, Tailleferre, Honegger ne sont pas à l’affiche des quatre concerts du Bœuf sur le toit, et puis l’esprit potache, la farce, le grotesque, les clowneries chics de Cocteau sont trop réducteurs pour ces jeunes créateurs. "J’avais le comique en horreur", dira Darius Milhaud, vexé qu’on puisse rigoler de cette musique brésilienne qu’il admire. Milhaud qui dirige alors du Schönberg, que Georges Auric joue au piano.
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Satie décrit même une scission : "Auric, Poulenc et Milhaud ont la sensibilité moderne, Durey, Tailleferre, Honegger sont de purs impressionnistes", selon lui. Et lorsque Satie écrira que "si Ravel refuse la légion d’honneur, toute sa musique l’accepte", c’en est trop pour Louis Durey qui se retire du groupe. "Quel cochon que ce Durey, écrit Satie à Cocteau, quand le foutra-t-on en l’air comme un vent ?".
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Mais l’amitié entre les Six est toujours là, malgré les mésententes. Dans une lettre, Poulenc dénonce "la musique boche suisse ridicule" de Honegger, mais Milhaud essaie de retenir Durey en écrivant : "tant mieux si nos admirations divergent, raison de plus pour être unis". Une phrase qui pourrait être le slogan des Six. Six qui ne seront que cinq pour leur seconde œuvre commune, sans Louis Durey, parti s’installer à Saint-Tropez.
Ce sera Les Mariés de la tour Eiffel, sur un argument loufoque et iconoclaste de l’incontournable Cocteau. On rigole une dernière fois, mais chacun est lucide. Pour Milhaud, cette œuvre collective est "assez faible" ; Poulenc est beaucoup plus direct : "quant à la musique, hormis l’ouverture d’Auric, c’est toujours de la merde".
Henri Collet, l’inventeur du nom, l’enterre deux ans plus tard dans un article intitulé "le Crépuscule des six". Jacques-Emile Blanche peindra le groupe avant sa séparation, mais Louis Durey n’est pas au tableau. Chacun suivra son chemin, et on se rassemblera bien plus tard pour des photos souvenirs où la jeunesse et l’insouciance des années folles se sont envolées. Mais leur amitié et leur légende sont restées intactes.

Le Groupe des six de Jacques Emile Blanche
Il manque Luis Durey. Derrière l'épaule de Poulenc, figure Jean Cocteau, tout jeune, et l'homme à lunettes, au fond, est Jean Wiener, pianiste et compositeur français, ami du groupe. Enfin, créant le pivot de cette composition compacte qu'elle aère et anime par sa pose non conventionnelle, sa silhouette très élancée et sa jupe blanche aux délicates broderies bleues, la pianiste Meyer-Bertin pose une touche de lumière et de fantaisie à ce portrait de groupe. C'est Bertin qui introduit sa jeune épouse auprès de Satie, dont, à 20 ans, elle devient l'interprète préférée. Satie a refusé de poser
Trop vieux en 1914 pour être appelé sous les drapeaux, Érik Satie s’engage dans les Milices Socialistes d’Arcueil qui patrouillent la nuit pour surveiller les rues et se préparer en cas de péril. A Arcueil, il vit dans la misère (sous le regard de petite fille aux grands yeux verts). Il n'a pas assez d'argent pour suivre le groupe des jeunes, de vingt-cinq ans ses cadets. Quand cette jeunesse argentée, voire très argentée pour certains, descend l'été sur la côte d'azur en décapotable, lui reste seul dans sa banlieue grise guettant, espérant la moindre avance sur composition. Il n'est absolument pas en capacité de recevoir qui que ce soit chez lui et ne peut alors rendre les invitations à déjeuner ou souper qu'il reçoit. Il observe ces jeunes, déjà très consommateurs, dépenser sans compter quand lui distribue les trois sous qu'il a en poche aux gosses d'ouvriers de son quartier.
Nous tenons à rendre hommage ici à Germaine Tailleferre
Médaille d'or de solfège en 1906, premier prix de contrepoint (1913), d'harmonie (1914) et d'accompagnement en 1915.
Germaine Tailleferre : "Pour mon père, faire le Conservatoire ou le trottoir à Saint-Michel, c’était la même chose"
Avec ses nouveaux amis, Germaine fréquente bientôt le milieu artistique des quartiers parisiens de Montmartre et de Montparnasse. C'est dans l'atelier de Montparnasse d'un de ses amis peintres que l'idée initiale des Six est née. La publication du manifeste de Jean Cocteau Le coq et l'Arlequin a donné lieu à des articles de presse d'Henri Collet qui ont fait connaître instantanément le groupe, dont Tailleferre était la seule femme membre.
En 1923, Tailleferre a commencé à passer beaucoup de temps avec Maurice Ravel dans sa maison de Montfort-l'Amaury. Ravel l'a encouragée à participer au concours du Prix de Rome.
"Avec le Groupe des Six, l'amitié a duré toute notre vie"
Germaine Tailleferre se souvient de Picasso buvant son café et de Modigliani, toujours ivre. Elle raconte ses années au Conservatoire. Son don s'est révélé très jeune, à trois ans : "J'ai fait ma première composition à cinq ans. Je jouais de mémoire des sonates de Mozart, de Beethoven que jouaient mes sœurs. J'avais déjà un petit répertoire sans connaître mes notes. Au Conservatoire ça a été épouvantable : je trouvais que c'était beaucoup plus facile de jouer sans connaître les notes, d'improviser".
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"Erik Satie m'a fait l'honneur d'aimer tellement ces pièces qu'il m'a dit :
je vous décrète comme ma fille musicale"
Germaine Tailleferre raconte la première fois où elle rencontre le compositeur Erik Satie chez la pianiste Marcelle Meyer : "J'ai joué devant Erik Satie des morceaux de piano qui s'appelaient "Jeux de plein air," et ça a été la plus grande chose de ma vie, qui a déterminé de ma carrière, Erik Satie m'a fait l'honneur d'aimer tellement ces pièces qu'il m'a dit : "voilà vous allez faire parti du groupe des "Nouveaux jeunes", (c'était le nom du "groupe des Six" à ce moment-là). Je vous décrète comme ma fille musicale".
Elle devient l’une des compositrices françaises les plus en vues, sans jamais sombrer dans un académisme ou un élitisme quelconque : elle écrit avant tout pour le plaisir, celui de composer et transmettre des émotions.
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"Satie me disait : vous n'êtes plus ma fille puisque vous travaillez avec Ravel !"
Mais elle revient aussi sur le caractère excentrique et orageux du grand compositeur : "Erik Satie a été très fâché avec moi car je voyais beaucoup Ravel et il ne le supportait pas, c'était sa bête noire. J'avais une grande amitié pour Ravel. J'allais passer des week-end chez lui à Montfort-L'amaury. Il me donnait beaucoup de conseils pour l'orchestration. Satie me disait : vous n'êtes plus ma fille puisque vous travaillez avec Ravel !"

A l'insu de son père, elle entre en cachette au Conservatoire de Paris et intègre les classes de piano et de solfège en 1904. Le peintre Louis Payret-Dortail ayant convaincu la mère de Germaine de la laisser suivre cette orientation. Après une première médaille de solfège en 1906, son père se voit contraint de l'autoriser (par la force des choses) à continuer ses études, tout en refusant d'en assurer le financement. Tailleferre commence donc à donner des leçons. Elle rencontre au Conservatoire Darius Milhaud, Georges Auric et Arthur Honegger en 1912.
Georges Auric (qui restera fidèle à Erik Satie et l'accompagnera jusqu'à son décès) : "Nous l’appelions le « bon maître », malgré ses mauvaises humeurs, ses minutes d’ingratitude ou de rancœur. La vie, trop longtemps, lui avait été si dure !…"
L'école d'Arcueil
Le conseil d'Erik Satie : "Marchez seuls. Faites le contraire de moi. N'écoutez personne !".
En réaction contre la tendance agressive du groupe des Six, l'école d'Arcueil fut imaginée en 1923. Le principal initiateur de la création du groupe était Darius Milhaud. Maxime Jacob s'associa alors à trois musiciens de ses amis, Henry Cliquet-Pleyel, Roger Désormière et Henri Sauguet (tous les quatre étaient élèves de Charles Koechlin), et plaça l'école sous le patronage d'Erik Satie, lequel habitait précisément Arcueil.
Ce groupe déclarait vouloir revenir à la simplicité, à la mélodie, à la pureté harmonique de Bach, tout en admettant les rythmes et les sonorités du jazz, voire l'esthétique du café-concert. Mais cette école d'Arcueil ne fut rien d'autre qu'une idée. Elle n'eut jamais de réalité juridique, de professeurs ou d'élèves, et se contenta d'attirer l'attention du public sur quatre musiciens, qui, groupés autour de Satie, conservèrent chacun leur personnalité.
La vie sépara vite ses membres : Satie mourut en 1925 ; Jacob, particulièrement doué, rentra dans les ordres ; Cliquet-Pleyel s'orienta vers la musique légère et la musique de film ; Désormière abandonna très vite la création pour se consacrer uniquement à la direction d'orchestre. Seul, Sauguet poursuivit une heureuse et longue carrière de compositeur, fidèle au conseil de Satie : "Marchez seuls. Faites le contraire de moi. N'écoutez personne !" .
"Je ne tiens pas à être un maître : c’est trop ridicule !"


C'est précisément le 14 juin 1923, à l'occasion d'une conférence donnée par leur maître spirituel au Collège de France que le nom de "l'école d'Arcueil" fut adopté.
Dans une lettre adressée à Rolf de Maré, le fondateur des Ballets suédois, Satie présentait ainsi le nouveau groupe, le 12 octobre 1923 : "Ce qu'est l'école d'Arcueil ? En juin dernier, j'ai eu l'honneur de présenter, au Collège de France, quatre jeunes musiciens, Henri Cliquet-Pleyel, Roger Désormière, Maxime Jacob et Henri Sauguet. Ils ont pris la dénomination d'école d'Arcueil par amitié pour un vieil habitant de cette commune suburbaine. Oui, je ne vous parlerai pas de leurs mérites (n'étant ni pion ni critique, heureusement). Le public est leur seul juge. Lui seul a le réel pouvoir de se prononcer".

Peu après la présentation officielle de Satie, un concert de leurs œuvres est organisé dans un théâtre de fortune du boulevard Saint-Germain. Le succès dépasse toute espérance : Désormière est engagé comme chef d'orchestre des Ballets suédois, Maxime Jacob reçoit la commande d'une musique de scène pour une pièce de Marcel Achard et Sauguet une commande de l'Opéra qui deviendra Le Plumet du colonel. Ils organisent des concerts auxquels sont étroitement associés Jacques Benoist-Méchin et Robert Caby, qui ne feront pourtant jamais partie du groupe. Cocteau vole rapidement à leur secours, "orchestrant" leurs activités dans l'ensemble de la presse parisienne.
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Parmi les compositions du groupe figurent des pièces courtes dont Six Poèmes et Cartes Postales de Maxime Jacob d'après des textes de...Jean Cocteau.