
Auditorium virtuel Claude Ballif
Claude Ballif nous parle de Satie, Debussy, Ravel...
"Un hommage personnel et ému à celui qui m'a fait découvrir et "aimer" Erik Satie au fin fond de la Haute-Marne, pendant ces longues vacances d'été des années 70" : Yves Renaud
​Claude Ballif qui avait d'emblée pris comme maîtres à penser Webern et Satie, orchestrera en 1950 "Sports & divertissements". Ecoutez le en parler dans les "Grands entretiens patrimoniaux" de l'INA

A ceux qui disent que Satie n'est pas un grand maître, Claude Ballif répond qu'ils n'ont pas compris la leçon indirecte de Satie, que Stravinski a su prendre, que Debussy a su prendre, que Ravel a su prendre, que Ravel a été élève de Satie. C'est la conversation de Satie et Satie seul...Satie se cache...Il est comme Messiaen...
L'écriture de Claude Ballif est le fruit d'une savante combinaison de la tonalité (au sens le plus large, comme chez Bartók par exemple) et d'une forme personnelle du sérialisme. Il appelle ce système la métatonalité, système sans esprit de système car il offre la possibilité d'utiliser et de combiner les grands systèmes harmoniques d'écriture (tonal, modal, sériel), sans pour autant que cela soit obligatoire. Ce système permet aussi l'utilisation de micro-intervalles et peut servir de méthode d'analyse très efficace.
Ballif fut pendant près de vingt ans professeur d'analyse et de composition au Conservatoire national supérieur de musique de Paris. C'est grâce à ce travail d'analyse qu'il peut comprendre et développer les différents systèmes harmoniques de la musique de tradition européenne.
Sa métatonalité est une théorie qui englobe la tonalité tout en permettant une écriture sérielle. Ce n'est pas un système d'écriture atonal (Ballif disait que l'atonalité pure n'est possible qu'en théorie car en pratique, le cerveau humain cherche toujours à hiérarchiser ce qu'il perçoit d'une manière ou d'une autre). Pour lui, le mouvement nécessite, pour être compris, que l'on ait un point de repère, au moins passager : dans le système tonal, c'est la tonalité ; dans la plupart des musiques modales, c'est le bourdon ou la finale ; dans la métatonalité, c'est l'orient (une note référence). Mais la possibilité — comme chez Debussy par exemple — de « noyer » momentanément le ton (ici l'orient) est toujours présente et souvent utilisée.
Mais la métatonalité n'est pas le seul centre de sa pensée: le matériau sonore est à ses yeux fondamental. Car s'il pense sa musique de manière formelle avant de l'écrire, ce sont ses oreilles qui le guident in fine.
N'importe quel son peut alors devenir prétexte pour une musique. (voir notamment son œuvre pour percussion).
Son processus créatif se divise en deux moments : un Apollinien ou la rationalité va guider à la création d'une forme, puis un Dionysiaque ou son oreille, instrument d'une poétique sonore, remplit cette forme. Mais si la mise en forme intervient en premier il se peut très bien qu'elle se "déforme" sous l'influence de l'oreille : Ballif n'est donc pas un musicien de tableau noir mais bel et bien un musicien sensitif.
Sa vision de compositeur (dans le sens originel composer = mettre ensemble) est exposée dans son ouvrage phare : "Économie musicale "édité en première édition auprès de Méridiens-Klincksieck dans la collection "Musicologie" en 1992 que dirige Joseph-François Kremer. Il définit sa musique comme avant tout religieuse. Ses élèves le voient, après Rameau et Messiaen, comme le père d'une nouvelle génération de musiciens.
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Grand Prix musical de la ville de Paris (1980)
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Prix SACEM de la musique symphonique (1986)
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Grand prix national de la musique (1999)
Satie - Debussy - Ravel
Erik Satie & Claude Debussy
Les trajectoires sociales de Debussy et de Satie sont l'inverse l'une de l'autre.
​Debussy est né en 1862 d'une mère cuisinière et d'un père socialement instable avant et après avoir été emprisonné pour sa participation à la Commune. Claude Achille Debussy n'a jamais été scolarisé. Compenser les humiliations enfantines, oublier le frère ouvrier agricole ou vidangeur ; la tante, petite employée ; une première compagne, fille de cantonnier...Au départ, Debussy est complètement dépourvu de capital économique. En 1908 Il épousera, Emma, la femme du banquier Sigismond Bardac. Ses relations, ses lectures, les objets d'art qu'il se débrouille pour acquérir, son raffinement quotidien - nœud papillon, chapeau melon, sandwiches britanniques…, la cuisinière, la gouvernante anglaise, le serviteur même qu’il engagera, son second mariage une fois conclu : autant de signes d’une ascension sociale délibérément poursuivie et aristocratiquement affichée. Debussy est honteux de trahir sa classe alors même qu'il est vital pour lui qu'il s'en désolidarise. Certains iront jusqu'à dire qu'il tient sa forme de génie de la souffrance de ce remords.
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Satie & Debussy évoluent en s'éloignant, l'un comme l'autre, de leur famille.
Satie, lui, est né en 1866. Son père est un courtier maritime qui parle couramment dix langues. Sa mère, d'origine écossaise, fille d'une dame de compagnie, est venue apprendre le français à Honfleur. Erik Satie est bilingue de naissance. Ses études sont solides. Debussy hérite de sa famille le sens d’une certaine liberté sexuelle et d'une certaine amoralité. Satie garde de son enfance rigoriste une sexualité infirme. La rupture de Satie avec sa classe est patente. Il agit par générosité sociale, prend à son compte le péché collectif de l'iniquité. Satie ne récuse pas seulement sa famille, il rompt avec tout un milieu qui l'a détraqué et dégringole jusqu'à son infâme gourbi d'Arcueil où, semi-clochard, il dort parmi la poussière et les toiles d'araignées (Qu'il aime tant observer).
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Le chassé-croisé Debussy/Satie s'affirme aussi, sur le plan des idées politiques et religieuses.
Debussy, dont les parents sont déchristianisés, joint les mains après s'être moqué du grégorien, cette drogue de curés. Au fur et à mesure qu'il s'intègre dans la bonne société, la sensualité ensoleillée dont témoignait "L'après-midi d'un faune" vire au mysticisme baroque du "Martyre de Saint Sébastien" ou au christianisme ascétique de la "Ballade que fait Villon à la requeste de sa mère pour prier Notre-Dame".
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Baptisé, de famille chrétienne, Satie finit par ricaner et hausser les épaules là où il s'agenouillait dévotement sous les ogives. Il se brouille avec le Bon Dieu, alors que, pas à pas, il descend dans les bas-fonds de la société banlieusarde. Nous le surprenons écrivant ces lignes : "Je finis par croire que le Bon Dieu est un de ces salauds comme il y en a beaucoup. Sa prétendue miséricorde, je vois bien qu'il se la fout quelque part et qu'il ne la sort que dans les occasions les plus rares. Voulez-vous que je vous dise ? Cela ne lui portera pas bonheur et rien ne m'étonnerait s'il en arrivait à perdre sa place".
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Sans doute est-ce pour faciliter son ascension sociale que Debussy a renié idéologiquement son père communard, qu'il rejoint carrément la droite nationaliste et réactionnaire. A contrario, son double, son antithèse incarnée glisse vers l’extrême gauche. Satie s'inscrit au parti radical-socialiste en 1908, il adhère à la SFIO en 1914, il devient membre du PCF en 1921. Installé dans la banlieue d'Arcueil à partir de 1898, il s'occupe de l’éducation musicale des enfants d'ouvriers et fait venir le chansonnier Vincent Hyspa pour une matinée de détente offerte aux travailleurs.
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Après une relation de 25 ans, faites de respect et d'ambiguïtés, Satie et Debussy ne se reverront plus.
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Début 1917, Debussy, alité, torturé par le cancer qui va l’emporter l’année suivante, n’en finit pas de railler la position de "Précurseur" (un terme qu'il avait pourtant lui même initié), acquise par Satie sous l'impulsion du duo Ravel/Cocteau.
Exaspéré par la condescendance de son ami, ignorant ou indifférent (savait-il que Debussy était gravement malade ?), Satie rompt toute relation avec lui : "dorénavant, il est préférable que « le précurseur » reste désormais chez lui — au loin", écrit-il à la seconde femme de Claude, Emma.
Satie n'assistera pas à l'enterrement de Debussy
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La classe de percussions du CNSMD de Lyon célèbre le centième anniversaire de la naissance du compositeur Claude Ballif (1924-2004) avec son œuvre Battez Sons Pleins, qui ne fut exécutée qu’une seule fois lors de sa création en 1996. Le manuscrit, réédité par Angelina Virta Mangs, permet aux percussionnistes de lui donner une nouvelle vie.

Le Tombeau de Claude Debussy
Le Tombeau de Claude Debussy est une œuvre collective, commandée en 1920 par Henry Prunières, directeur de la Revue musicale, et créée l'année suivante dans le cadre des concerts de la Société musicale indépendante (SMI). Il est constitué de dix pièces : six pièces pour piano seul (de Paul Dukas, Albert Roussel, Gian Francesco Malipiero, Eugène Goossens, Béla Bartók et Florent Schmitt), une pièce pour guitare de Manuel de Falla, une pièce pour violon et violoncelle de Maurice Ravel, une mélodie d'Erik Satie et une réduction pour piano extraite des Symphonies d'instruments à vent d'Igor Stravinsky. La couverture de la partition a été réalisée par Raoul Dufy
Deux ans après la mort de Claude Debussy, l'idée d'Henry Prunières est de constituer un hommage international à la mémoire de Debussy qui sera un véritable "monument" comme ceux que les poètes de la Renaissance élevaient aux artistes qu’ils avaient aimés. La création se déroule à la salle des Agriculteurs le 24 janvier 1921, dans le cadre d'un concert de la Société musicale indépendante, avec Ernst Levy au piano, Hélène Jourdan-Morhange au violon, Maurice Maréchal au violoncelle, Marie-Louise Casadesus à la harpe-luth de Lyonnote 1, et la cantatrice Magdeleine Greslé.
Ravel compose pour le cahier un Duo pour violon et violoncelle, auquel il adjoint ensuite trois mouvements pour devenir en 1922 sa Sonate pour violon et violoncelle.
La participation d'Erik Satie au Tombeau de Claude Debussy est particulièrement émouvante et pudique.
Ornella Volta rappelle l'amitié ancienne des deux compositeurs, et le fait que "les Gymnopédies sont la seule œuvre d'un autre compositeur que Claude Debussy ait orchestré".
L'hommage de Satie se présente sous la forme d'une Élégie, une mélodie de seulement douze mesures, sur les vers de Lamartine :"Que me font ces vallons, ces palais, ces chaumières ?
Vains objets dont pour moi le charme est envolé ; Fleuves, rochers, forêts, solitudes si chères,
Un seul être vous manque et tout est dépeuplé."
Erik Satie & Maurice Ravel
Leur relation est un exemple de l'extraordinaire foyer de création artistique qu'était Paris au début du XXe siècle.
Ces deux artistes se sont influencés à une époque où la vie musicale était tissée de passions et de jeux de pouvoir, d'amitiés et de rivalités, d'inspiration et d'innovation. Dans le Montmartre des années 1890, Satie est un jeune homme dans la vingtaine qui mène une vie de bohème. Individu excentrique, d'une sensibilité sans inhibitions, il est peu connu et sans le sou, gagnant sa vie comme pianiste de cabaret. C'est à cette époque que son cheminement spirituel l'amène à fonder sa propre religion et qu'il compose ses premières œuvres, dont les obsédantes et mystiques Gymnopédies et Gnossiennes.
À la même époque, Maurice Ravel, brillant pianiste alors âgé de quatorze ans, évolue dans un milieu aisé en poursuivant ses études au Conservatoire. Un jour, en fouillant dans le rayon des partitions chez les éditeurs Durand et Lerolle, il remarque quelques-unes des compositions de Satie alors éditées. Fasciné par ces pièces, il demande à son père, Joseph Ravel, un ingénieur et inventeur aux idées progressistes, de lui présenter Satie. La rencontre aura lieu au café Nouvelle Athènes.
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L'audace ainsi que l'esprit vif et pénétrant de Satie ont tôt fait de créer une forte impression sur Ravel
On comprendra aisément que les excentricités et les excès du bohème qu'est Satie, combinés à ses élans mystiques, allaient fasciner le jeune garçon issu d'un milieu plus respectueux des conventions. Ravel présenta donc les Sarabandes et les Gymnopédies de Satie aux membres de sa classe d'harmonie, au Conservatoire. Curieusement, les étudiants accueillirent ces œuvres avec beaucoup plus d'enthousiasme que ne le firent les professeurs.
Plus tard au cours de sa vie, Ravel allait parler de l'influence spirituelle que Satie avait exercée sur lui. Au cours d'une conférence donnée à la Rice University (Texas) en 1928, il décrivit ainsi son ami et collègue: "Son esprit en était un de véritable inventeur. Il était un grand expérimentateur. D'une façon à la fois simple et ingénieuse, Satie indiquait la route à suivre puis, sitôt qu'un autre musicien l'avait empruntée, Satie changeait son cap et ouvrait sans hésitation la voie à de nouveaux champs d'investigation. Il devint ainsi l'inspirateur d'innombrables tendances avant-gardistes."​
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L'admiration que lui portait le jeune Ravel laissait Satie à la fois ému et perplexe.
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À son frère, il confiait ceci : "Ravel est un Prix de Rome de grand talent, un autre Debussy, mais en plus frappant. Il m'assure – à chacune de nos rencontres – qu'il me doit beaucoup. S'il le dit." À une autre occasion, Satie ajouta : "Je dois avouer ma honte – de ne pas l'avoir cru capable de reconnaître publiquement qu'il me doit beaucoup. J'en ai été très touché."
En 1910, la Société Musicale Indépendante (SMI) est formée, Ravel étant du nombre de ses membres fondateurs. Sous sa gouverne, de nouvelles œuvres de compositeurs vivants sont interprétées dans une atmosphère cordiale et propice aux échanges passionnés.
En 1911, Ravel organise un concert consacré aux œuvres de Satie. À cette occasion, Ravel lui-même interprète la Sarabande no 2 (dont il est le dédicataire), la Gymnopédie no 3, ainsi qu'un prélude extrait du Fils des Étoiles, qu'il allait orchestrer par la suite. Ravel déclare : "Erik Satie occupe dans l'histoire de l'art contemporain une place véritablement exceptionnelle. En marge de son époque, cet isolé a écrit jadis quelques courtes pages qui sont d'un génial précurseur. Ces œuvres, malheureusement peu nombreuses, surprennent par une prescience du vocabulaire moderniste et par le caractère quasi prophétique de certaines trouvailles harmoniques […]". Maurice Ravel, en exécutant la Deuxième Sarabande qui porte la date stupéfiante de 1887, prouve en quelle estime les compositeurs les plus « avancés » tiennent Satie, qui toujours aussi imprévisible, n'assista pas au concert.
Avec l'intense foisonnement que connurent les théories esthétiques au début des années 1900, et alors même que les notions de "vrai" chemin à suivre pour la musique et l'art dans le monde moderne suscitaient moult passions et dissensions, les routes empruntées par Satie et Ravel commencèrent à diverger.
L'intérêt croissant de Satie pour le mouvement Dada et le cercle de Jean Cocteau ainsi que ses préoccupations esthétiques s'orientèrent dans une direction désormais incompatible avec celle de Ravel.
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En 1919, Satie écrit : "J'aime profondément Ravel, mais son art me laisse froid." L'admiration de Ravel pour Satie, toutefois, ne se démentira pas. Il lui dédie le dernier des Trois poèmes de Stéphane Mallarmé et ajoute la dédicace suivante sur une partition de Ma Mère l'Oye: "pour Érik Satie, grand-père des Entretiens de la Belle et la Bête, et autres. Hommage affectueux rendu par un disciple."
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Ecoutez "L'Elégie de Satie"
Erik Satie, Claude Debussy & Maurice Ravel
En 2024, selon IMDb, c'est trois là sont les compositeurs français les plus écoutés et les plus joués sur la planète !
Limite est un film brésilien dramatique, expérimental et muet
Il a été réalisé par Mário Peixoto, réalisé en 1929 et sorti en 1931.
Les musiques de Satie, Debussy et Ravel (entre autres) figurent sur la bande son
(Extraits d'Erik Satie -Les Gymnopédies orchestrées par Debussy)- Serge Prokofiev, Claude Debussy, Maurice Ravel, César Franck, Igor Stravinsky)