
Auditorium virtuel Claude Ballif
L'omnibus automobile
L’omnibus tiendrait son nom du magasin d’un chapelier à Nantes, "Omnes Omnibus", devant lequel s’arrêtaient les transports de la ville au début du 19e siècle. Véritable innovation, il devient rapidement incontournable dans le paysage parisien.









En 1905 à l'occasion du salon de l'automobile, la Compagnie Générale des Omnibus expérimente un omnibus ; non plus tiré par des chevaux mais "automobile". Il n'en fallait pas plus pour que les deux complices Vincent Hyspa & Erik Satie s'emparent du sujet. A Hyspa les paroles et à Satie évidemment la musique. Un seul objectif faire rire les habitués des cabarets parisiens et les visiteurs venus de province pour le fameux salon de l'automobile. Comme d'habitude, pas d'embrouille entre les deux hommes, les recettes se partagent à parts égales, comme les gueuletons arrosés d'absinthe et s'il en reste les cachets du cabaretier.
C'était pendant l'horreur du Quatorze Juillet,
Il faisait chaud, très chaud, sur la place Pigalle.
Un gros ballon, sans bruit, gravement ambulait
Par la route céleste unique et nationale.
Il faisait soif, très soif et le petit jet d'eau,
Esclave du destin, montait de bas en haut.
L'omnibus était vide et l'écriteau "Complet"
Détachait sur fond bleu ses sept lettres de flamme.
Je suivis au galop le monstre qui passait
En écrasant avec des airs d'hippopotame
Des femmes, des enfants, des chiens et des sergots.
Des députés et des tas d'autres animaux.
Il était environ neuf heures trente-cinq,
La douce nuit venait de tomber avec grâce.
Et le petit jet d'eau pleurait sur le bassin,
Lorsque je vis passer au milieu de la place
Un omnibus, automobile, entendez-vous,
Avec de grands yeux verts et rouges de hibou.
Enfin il s'arrêta place de l'Opéra
Et je vis qu'il était chargé de sacs de plâtre.
Ces sacs, me dit le conducteur, ces sacs sont là
Pour remplacer le voyageur acariâtre ;
Nous faisons des essais depuis plus de vingt mois
Et ces sacs sont pour nous autant de gens de poids.
Mais pourquoi, dis-je au bon conducteur de l'auto
Qui venait d'écraser ces piétons anonnymes,
Pourquoi des sacs plutôt que ce cher populo?
C'est, me répondit-il, sur un ton de maxime,
C'est, voyez-vous, pour éviter des accidents
De personnes qui pourraient bien être dedans.
C'était pendant l'horreur du Quatorze Juillet,
Il faisait chaud, très chaud, sur la place Pigalle.
Un gros ballon, sans bruit, gravement ambulait
Par la route céleste unique et nationale.
Il faisait soif, très soif et le petit jet d'eau,
Prisonnier du destin, montait de bas en haut.

Vincent Hyspa est un acteur, auteur, compositeur, humoriste et chanteur français. Habitué du Chat Noir, complice et grand ami d'Erik Satie (qui composa pour lui Tendrement, Un dîner à l'Élysée, Chez le docteur, L'Omnibus automobile, Air fantôme). Quant à son autre ami Claude Debussy, il composa ( La Belle au bois dormant). Hyspa rédigea son célèbre monologue "Le Ver solitaire" qui le lança dans les milieux hydropathes. Auteur de quelques poèmes d'inspiration décadente, il chantait ses poèmes humoristiques dans les cabarets de Paris. Il a écrit aussi Le Médecin imaginaire, pièce en un acte, L'Éponge en porcelaine, conférences fantaisistes. Léon de Bercy dit qu’il était : "avec son pantalon à la turque, sa redingote persane, sa voix caverneuse, sa face de mandarin barbu et son impassibilité de fakir, un redoutable blagueur et qu’il avait, en plus, un mépris absolu de la rime".


