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Le Piège de Méduse

la pièce est considérée comme une manifestation anticipée des mouvements Dada et du surréalisme

Le Piège de Méduse est une comédie lyrique en un acte et neuf scènes, d'une fantaisie débridée rare. L'intrigue met en scène le baron Méduse, riche rentier âgé et excentrique, sa fille Frisette, Astolpho l'amoureux de cette dernière, Polycarpe, le valet du baron et Jonas, le singe "empaillé de main de maître". Le jouet s'anime de façon mécanique et danse entre chacune des neuf scènes.

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Pendant la Polka

Ecoutez "La Polka"
 

La partition de la Polka est enrichie par l'une des 3 gravures (sur bois cubistes en couleur) de Georges Braque, qui illustrent la première édition imprimée du texte de la pièce en 1921, Une vignette d'André Derain, vient compléter l'édition tirée à 112 exemplaires

Comme à son habitude Erik Satie a annoté les partitions et consigné quelle devait être l'attitude du singe Jonas, notamment pendant la Polka

« C’est ici une pièce de fantaisie… sans réalité. Une boutade. N’y voyez pas autre chose. Le rôle du baron Méduse est une façon de portrait… C’est même mon portrait… un portrait en pied. »

La dramaturgie insensée de l’œuvre annonce le dadaïsme et le théâtre de l’absurde du milieu du siècle. Les quatre personnages, le baron Méduse, son domestique Polycarpe, sa fille Frisette et Astolfo, le fiancé de cette dernière, tiennent un dialogue qui balance entre le déraisonnable et le banal, tandis que se trouve au fond de la scène un beau et grand singe, superbe jouet mécanique que le baron fit fabriquer pour sa distraction personnelle.

Entre les épisodes théâtraux se situent de courts intermèdes pianistiques pendant lesquels le singe danse, tandis que les autres personnages s’assoupissent ou quittent la scène. Ce sont ainsi "sept toutes petites danses" (titre sous lequel ces pièces musicales sont habituellement rassemblées) qui jalonnent la comédie : un Quadrille de caractère tendre, une Valse un rien désarticulée, une pièce Pas vite entre musique de cirque et fanfare militaire, une Mazurka bien peu polonaise, un morceau Un peu vif tout en urgence, une Polka bonhomme et pour finir un second Quadrille « à tue-tête ». 

L’œuvre fascinera nombre de personnalités artistiques, du comédien Pierre Bertin, qui la joua, au danseur Serge Lifar, qui la chorégraphia, en passant par l’écrivain Michel Leiris, qui, dans la Nouvelle Revue Française, en rédigea une critique élogieuse lors de sa reprise en 1938 ; ses propos, dont voici un extrait, définissent bien du reste tout l’art et la personnalité de Satie :
" […] Bouffonnerie légère bâtie sur une trame si ténue qu’elle paraît quasi-inexistante, Le Piège de Méduse se présente comme une suite de saynètes familiales mêlées d’intermèdes musicaux soutenant les évolutions chorégraphiques gracieuses d’un [singe], qui est le bon génie de la maison. D’un dialogue banal à donner le vertige émergent ça et là des locutions employées en porte-à-faux, sorte de bifurcations du langage, qui ne sont pas à proprement parler des jeux de mots, mais donnent un tour absurde à la pensée. […] L’usage constant de procédés de ce genre (tendant à glisser partout des chausse-trappes, verbales ou non, où l’intelligence hésite, trébuche ou, au besoin, se casse le nez) constitue le véritable “piège”-attrape-nigaud, en même temps que souricière à poésie, puisque celle-ci préfère, entre tous les instants, celui où se produit une perte de pied, due à un glissement du terrain ou à une secousse sismique de la pensée. Ainsi le matériau le plus vulgaire […] sera aussi le plus poétique,
moyennant ce détournement qu’il subit, cette luxation qu’on lui inflige, la manière dont il est écartelé ou imperceptiblement altéré."

D'après Nicolas Southon

Le 24 mai 1921, dans une mise en scène de Pierre Bertin qui joue le rôle-titre, sous la direction musicale de Darius Milhaud. Le Piège est joué avec quatre autres pièces courtes, dans une soirée qualifiée de "Spectacle de théâtre-bouffe" : La Femme fatale, de M. Max Jacob, Caramel mou, de Milhaud, Le Pélican de Raymond Radiguet, musique de Georges Auric et Le Gendarme incompris de Jean Cocteau et Raymond Radiguet, musique de Francis Poulenc.

D'après une traduction en anglais de Mary Caroline Richards "The Ruse of Medusa" ; John Cage à l'origine du projet joue lui même au piano, Buckminster Fuller interprète le rôle du Baron Méduse, Merce Cunningham danse la partie du singe mécanique, Willem de Kooning crée la scénographie, Elaine de Kooning joue Frisette et Arthur Penn dirige la mise en scène.

L'intégralité de la pièce (Texte et musique)Erik Satie
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René Chalupt, poète et ami de Satie, raconta que le jour de la création du Piège de Méduse chez les parents de Roland-Manuel, jeune compositeur et futur critique, " on avait pris soin […] de glisser des feuilles de papier entre les cordes du piano " pour conférer à l’instrument une sonorité de paille en accord avec l’état du singe. À noter que John Cage, grand défenseur de Satie, inventa en 1939 le fameux "piano préparé" en ignorant entièrement que le maître d’Arcueil l’avait précédé dans cette voie.

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Le Piano préparé est une technique de jeu étendue de l’instrument qui consiste à modifier la hauteur de la note, sa durée, son intensité (plus ou moins forte), la longueur de sa résonance, le mode d'attaque et d'extinction, et la qualité vibratoire (ou le spectre harmonique, ce qui qualifie le timbre) et cela en appliquant directement sur les cordes divers matériaux (papier, objets métalliques, pièces de bois ou de plastique, verre...). Le piano préparé est très utilisé en musique contemporaine, dans la musique improvisée, et quelquefois, dans le jazz. 

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