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Sarabandes

Erik Satie serait-il le premier compositeur à écrire des sarabandes hors du contexte propre à la danse ou à une suite de danse comme le faisaient les compositeurs baroques à l'exemple de Jean-Sébastien Bach ou Jean-Philippe Rameau ? Rien de moins sûr, le titre des Sarabandes figurant sur le manuscrit autographe a d'abord été "Sarabande vive", avant d'être changé par le compositeur. En première intention, Erik Satie souhaitait bien alors composer une suite de danses.

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Ornella Volta le confirme, pour elle, c'est une évidence :

"Toute la musique de Satie peut être dansée. Notre compositeur en était-il conscient ? On serait tenté de le croire dans la mesure où la plupart de ses œuvres pour piano portent des noms de danse, Valse-ballet ou Fantaisie-valse, Sarabandes et Gymnopédies, Danses gothiques et Danses de travers, Stand walk et Passacaille, Danse maigre et Danse cuirassée, Valse du chocolat aux amandes et Valses distinguées du précieux dégoûté, Valse du mystérieux baiser dans l'œil et Cancan grand-mondain, Premier menuet et Tango perpétuel. Une Danse pour un enterrement figure même dans ses carnets"

Ecoutez "Les 3 sarabandes"
 

En 1979, le danseur étoile et chorégraphe Jean Guizerix met en scène un ballet prenant appui sur les Sarabandes dans le cadre d'une "Intégrale Erik Satie".

Sarabandes est un recueil de trois pièces pour piano d'Erik Satie composées en 1887.

  • La Première Sarabande est dans une tonalité large de la bémol majeur. Elle comprend deux sections principales qui sont répétées avec très peu de variations. Pour Jean-Pierre Armengaud, c'est une danse si lente que "le premier temps est comme une question et le troisième temps comme un soupir d'espoir, de regret ou de mécontentement".

  • La Deuxième Sarabande présente une tonalité de ré dièse mineur, est dédiée à Maurice Ravel. Structurellement, elle est semblable à la Première Sarabande, mais d'un ton plus sombre et plus riche harmoniquement. 

  • Enfin, la Troisième Sarabande est en ré bémol majeur. Elle se déploie entre arpèges intemporels et accords plaqués, de nuances faibles et de silences. Elle oscille entre un rythme de barcarolle qui rappelle Gabriel Fauré et des accords arpégés et répétitifs, qui pourraient être la représentation d'une demande de sérénité à laquelle on opposerait un refus brutal.

Le 16 janvier 1911, à la salle Gaveau au cours d'un concert de la Société musicale indépendante, Ravel joue la deuxième Sarabande, la troisième des Gymnopédies et le prélude du Fils des étoiles. Les Trois morceaux en forme de poire sont joués eux par Ricardo Viñes.

 

Lors de ce concert, une note de programme, probablement écrite par Maurice Ravel, dit ceci : "Erik Satie occupe dans l'histoire de l'art contemporain une place véritablement exceptionnelle. En marge de son époque, cet isolé a écrit jadis quelques courtes pages qui sont d'un génial précurseur. Ces œuvres, malheureusement peu nombreuses, surprennent par une prescience du vocabulaire moderniste et par le caractère quasi prophétique de certaines trouvailles harmoniques […]. M. Maurice Ravel, en exécutant aujourd'hui la Deuxième Sarabande qui porte la date stupéfiante de 1887, prouve en quelle estime les compositeurs les plus « avancés » tiennent le créateur qui parlait, voici déjà un quart de siècle, l'audacieux argot musical de demain".


Dans une lettre, de 1911, à son frère Conrad, Erik Satie explique la façon dont le concert a été organisé : après ses cours avec Vincent d'Indy, il compose à nouveau dans un style selon lui très contrapuntiste, mais ceux qu'il appelle "les Jeunes", à savoir les compositeurs modernes parmi lesquels Maurice Ravel, organisent un concert pour faire jouer ses œuvres "de jeunesse", parmi lesquelles les Sarabandes et Le Fils des étoiles.

En 1915, dans une lettre à Paul Viardot cette fois, Erik Satie écrit à son propos : "Se signala en 1892 par des oeuvres absolument incohérentes : Sarabandes, Gymnopédies (orchestrées par Claude Debussy), Préludes du Fils des étoiles (orchestrés par Maurice Ravel), etc... ", ajoutant à cela qu'"il écrivit aussi des fantaisies d'une rare stupidité". La même année, dans une seconde lettre, probablement à Paul Viardot encore, il met les Sarabandes en deuxième place de ses œuvres majeures, juste après ses Gymnopédies

 

En 1918, une lettre de Jean Cocteau précise que le compositeur a fait envoyer à sa mère les partitions de "Parade" et la Deuxième Sarabande.

Vladimir Jankélévitch relève : "la musique stagnante, stationnaire des Sarabandes, exposée aux redites et au style bègue quand elle abandonne le bénéfice du développement discursif tout en prétendant excéder la durée d'un instantané. Un même dessin chemine à travers plusieurs tons successifs, s'installe tour à tour sur tous les degrés : les Sarabandes qui, comme le Prélude de la porte héroïque du ciel, improvisent sur des neuvièmes de dominante dans toutes sortes de positions et d'éclairages, s'enchantent inlassablement de sa sonorité, jouent sans fin avec les résolutions inhabituelles".

 

Trouvaille notable, les Sarabandes "sont bien les premières pièces à employer d'une façon aussi moderne les enchaînements d'accords de neuvième de toutes sortes, et même Pierre Boulez, pourtant adversaire déclaré de Satie, lui concède volontiers cette invention", souligne Vincent Lajoinie et d'ajouter : "on retrouve dans les trois Sarabandes la même construction mosaïquée, la même prédominance du vertical et les mêmes oppositions dynamiques que dans les Ogives, seulement transfigurées par la texture toute nouvelle du matériau sonore". 

À tout cela s'ajoute la symbolique des pièces, et notamment la symbolique autour du chiffre trois, symbole trinitaire par excellence et qui touche à la spiritualité du compositeur

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